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Archive for Mai 2012

HELLFIRE – Nick TOSCHES

Nul ne peut servir deux maîtres ; car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre; ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon.
MATTH. VI, 24.

Je confesse d’emblée un enthousiasme assez mesuré pour l’oeuvre, la vie  et le style de Jerry Lee Lewis .  Musicalement parlant et selon une représentation sans doute fausse mais bien ancrée, je n’associais pas spontanément le piano comme un instrument rock que je trouve ressortir davantage de l’univers du jazz. Le rock « blanc » des années 50 c’était  Elvis Presley, Carl Perkins ou encore Eddie Cochran.

Ces réserves étant faites, Jerry Lee reste l’interprète d’un morceau d’anthologie , le furieux  Great Balls of Fire.

Le livre de Nick TOSCHES  dresse  en revanche de manière absolument fascinante le parcours  chaotique d’une figure légendaire du rock’n’roll. HELLFIRE est le grand livre du rock. Beaucoup plus qu’une simple biographie factuelle, HELLFIRE remonte aux sources de la damnation, au coeur des communautés évangélistes de Louisianne  qui voient grandir et éclore le futur rocker. Le « Deep South »  du blues et du gospel, les terres du grand fleuve où coulent les mélopées religieuses, où les cérémonies au grand air font office de catharsis collective, seront le terreau où prendra racine la musique de Jerry Lee Lewis….une musique profondément religieuse qu’il transformera en incantation maléfique chargée de désir et de violence… pour en faire la musique du Diable.

TOSCHES va aux fondements mêmes d’une certaine Amérique. Contrée messianique de prêcheurs illuminés où les figures du Bien et du Mal sont exacerbées (surtout celle du Mal), tout écart y est vécu comme une damnation et demande un rachat juste et sévère….nous sommes ici sur les terres du pasteur incarné par Robert Mitchum dans THE NIGHT OF THE HUNTER, une terre où l’idée du Bien est tellement hypostasiée qu’elle peut donner naissance à des serials killers.

Et Jerry Lee justement EST  The Killer.

Le rock comme musique du « lust for life » , fortement empreinte de connotations sexuelles, sera vécue par son auteur comme le fardeau d’un péché originel…..mais un doux péché également qui laisse libre cours aux joies de la gloire et des plaisirs en tous genres…

Catégories :littérature

FEAR AND LOATHING IN LAS VEGAS – Hunter S.THOMPSON

GUNS,DRUGS AND ROCK’N’ROLL …..Mister Hunter S.Thompson

Voyage ultime au bout du rêve américain….

la fin des sixties  et des années de contestation ont laissé  l’Amérique dans un état comateux. Un élan révolutionnaire , une formidable volonté de transformer tant les  esprits que le cadre de vie de la société ont bouleversé  toute les certitudes. Critique du consumérisme, extensions des domaines de la perception, nouvelles modalités du vivre ensemble, droits civiques,  critique radicale de la politique belliqueuse expansionniste de la fin de la guerre froide, l’expérience du Vietnam et de ses retombées dans le pays, révolution musicale….tout a été pris dans ce mouvement de la subversion des consciences et des croyances.

Une période qui s’est ouverte avec les rêves hippies fleuris de Haight Hashbury et s’est close dans les affres de la violence d’Altamont.

Il fallait, pour saisir ce « zeitgeist » post sixties, une conscience hallucinée autant qu’hyper pointilliste, une écriture nerveuse qui rende compte d’un voyage au coeur du vortex du rêve américain comme le dit son auteur…Las Vegas, le sixième Reich selon  Hunter S.THompson…..une vision assez proche de l’Enfer de Jérôme Bosch ou de la tentation de Saint Antoine du retable d’Issenheim.

Commandité par un journal pour écrire un article sur le Mint 400, une course « mad max » dans le désert, Duke, alias Hunter himself, et son avocat  samoen embarquent pour une virée « over limits  » direction Las Vegas.

A bord de la « Red Shark », dont le coffre contient assez de drogues pour décimer une civilisation inca au grand complet, Hunter se bat contre des chauves-souris…. (« this is bat country ») nouveau Quichotte psychédélique, qui loin de faire plier la réalité à ses fantasmes, va faire l’expérience de la vérité du réel….derrière la carte postale du rêve américain ….la monstruosité et l’incongru.

Véritable livre culte de la contre culture américaine, FEAR AND LOATHING… a été adapté à l’écran par Terry Gilliam.

 

God Blesss Hunter.S.THOMPSON  ….

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ACID TEST – Tom WOLFE

Le voyage psychédélique.

1964-1965, une équipée hallucinée sillonne l’Amérique à bord du « magic bus »….au volant du bus ….Neal Cassady, le héros de « on the road » ..

A tombeau ouvert sur les routes du continent, ce sont  les limites des frontière intérieures de la psyché humaine que l’on cherche à atteindre sans répit par l’absorption d’invraisemblables quantités de LSD, speed et autre DMT . Surfer sur les eaux du Styx n’est pas sans danger (doux euphémisme) et  certains n’en reviendront jamais ….

le pape du voyage « sous acide » est Ken Keysey, l’auteur du fameux « Vol au-dessus d’un nid de coucou » …entouré d’une secte de la déjante , les « Merry Pranksters ». On suit les péripéties pour le moins cocasses de cette bande de joyeux drilles qui en cours de route vont s’acoquiner avec les Hells Angels et autres outlaws en rupture de ban. Sous la férule du pape de la secte « day-glo », le mouvement s’ancre dans la mouvance du refus  propre aux années 60.

Les Pranksters arrivent au moment où les drogues de synthèse ne sont pas encore prohibées aux USA, mais devant l’ampleur de la consommation et l’explosion de certains comportements déviants, bon ordre sera mis et la répression sera impitoyable, d’expérimentateur Keysey bascule dans la rubrique criminelle.

On sait que le concept de « New Journalism » a été mis en avant par Tom Wolfe dans les années 70. Ce type de journalisme emprunte au roman sa densité littéraire sans pour autant s’écarter d’une objectivité des faits relatés. L’implication de l’auteur/narrateur dans le sujet  est soulignée par l’utilisation de la première personne ou à tout le moins par une restitution en perspective des évènements.

Hunter S.Thompson revendiquera la radicalité de cette subjectivité du journaliste face à son sujet, ce  qui donnera naissance au journalisme gonzo…une forme qui bât en brèche l’objectivité pour mieux instaurer le parti pris déformant…
Tom Wolfe fut partie prenante de cette virée sous acide des années 64-65 avec les Pranksters. C’est donc l »immersion dans le monde des drogues et de l’aventure psychédélique qui donne au récit sa force d’authenticité, son aspect « vécu de l’intérieur » de ce qui dans la presse officielle pouvait être relégué au mieux dans la catégorie des faits de société , au pire dans celle des faits divers.

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ON THE ROAD – Jack KEROUAC (1957)

….all ready for the purity of the road again, the purity of moving and getting somewhere, no matter where, and as fast as possible.

« J’avais un livre, volé à l’étalage pendant ma balade à Hollywood, Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier, mais j’ai préféré lire le paysage américain en mouvement »

« On the road » fût pour moi (et sans doute pour beaucoup d’autres) l’un de mes « Bildungsroman » lorsque j’avais quinze ans, au même titre que  « Narcisse et Goldmund  » de Hermann Hesse,  ou encore « Quiet Days in Clichy » de Henry Miller.

Relire cette oeuvre dans sa version « original scroll » (le rouleau) après quarante  ans est une expérience particulière.

La sortie du film m’en donne bien évidemment l’occasion.

Le souvenir que j’avais gardé de cette première lecture était celui d’un voyage initiatique où je suivais sur la fameuse carte Rand&McNally tous les endroits traversés par Jack Kerouac et Neal Cassidy. Le livre a d’abord contribué pour moi à construire une véritable géographie imaginaire de l’Amérique, une multitude de noms de lieux qui étaient chacun déjà une promesse de voyage et d’aventure. Rapidement je savais tout de l’Amérique sans y avoir mis les pieds….La carte avant le territoire…..

Ensuite vint le territoire, comme Jack et sur ses traces, mais dans des conditions sensiblement différentes, j’ai connu moi aussi et à plusieurs reprises la grande odyssée américaine…à part la Floride, pas un endroit en Amérique du Nord où je n’ai moi-même été….maintenant, mes odyssées seraient plutôt de nature littéraire.

Au contraire de Jack et Neal, mes voyages furent plutôt en solitaire et en Greyhound…. pour rencontrer l’Amérique des profondeurs alors que nos deux vagabonds célestes ont toujours privilégié les grandes traversées en voiture.

A l’époque nous ne connaissions pas le rouleau, ce n’est que lors de sa publication récente que j’ai découvert ce texte écrit pratiquement d’une seule traite sur un long parchemin qui avait tous les aspects d’une « torah » des grands espaces, avec le souffle de l’épopée…sans paragraphe, sans chapitre….

Autre aspect fondamental, le livre est écrit pour nous faire percevoir la musique du land, un travail sur la langue qui serait comme  un morceau de jazz avec de nombreux chorus et une scansion des motifs qui appelle le beat…Il s’agit de faire rugir le continent, son immensité, sa sauvagerie, ses espaces effrayants, ses individus perdus dans quelque chose qui les dépasse, sa désolation également.
Kérouac oscille sans cesse entre les deux pôles de l’enthousiasme et de l’abattement, à l’inverse de Neal Cassidy qui manifeste une inépuisable énergie dans sa conquête frénétique des espaces et des coeurs.

La route et son caractère héraclitéen

Catégories :littérature