Archive

Archive for janvier 2012

REGO PARK – CATSKILLS (NEW-YORK) – AUSCHWITZ – ART SPIEGELMANN – MAUSS (1991)

La Shoah en bande dessinée. Les chats, les souris, les grenouilles, les porcs….images d’une humanité terrifiante dans un contexte d’apocalypse. De portée universelle, Mauss  de Spiegelmann parle de la transmission et de la restitution de l’indicible.

Comment être le dépositaire d’une mémoire aussi tragique , comment la transformer en oeuvre d’art ?

Le choix de la bande dessinée, des petites cases en noir et blanc, d’un crayonné qui n’emprunte rien à la ligne claire,  donne à l’histoire racontée par le père de Spiegelmann une puissance émotionnelle qui boulverse le lecteur.

L’ouvrage tisse deux histoires parallèles ; celle  du père (Vladek) survivant en Amérique , sa vie « après »,  ses rapports conflictuels avec son  fils dont le  projet est de  retranscrire  l’expérience concentrationnaire du père en la dessinant. Dans les liens complexes qui unissent le père et son fils, on découvre le profond sentiment de culpabilité de celui qui n’a pas vécu l’horreur de la Shoah mais qui en devient le dépositaire direct. Le fils vit par ailleurs avec le fantôme d’un frère disparu très tôt dans le contexte des persécutions nazies en Pologne. La période qui précède  l’arrestation qui le conduira à Auschwitz est décrite avec une grande précision de détails sur la vie en Pologne sous le joug des nazis et l’ignominie des polonais, des moments de bonheur également, la rencontre d’Anja, sa femme, la solidarité familiale, la compassion des proches.
De cette traversée de la mort, mari et femme sortiront vivants….mais c’est en Amérique qu’Anja se suicidera quelques années plus tard, laissant Vladek dans un désarroi traumatique….seul avec son deuxième fils.

Catégories :littérature

BRONX (NEW-YORK) – UNDERWORLD – Don DeLILLO

Saviez-vous que la taille du noyau de fusion nucléaire est la même que celle d’une balle de baseball ? Entre les deux extrémités de cet arc de ciel de l’imaginaire américain se déploie UNDERWORLD .

Rendre compte d’un texte d’une telle densité est une véritable gageure…n’ont moins importante que la lecture de ce texte fleuve qui vise à une totalité ouverte, cherchant dans les moindres détails triviaux du quotidien l’expression du malaise ou de la perte de sens de l’ensemble. L’opacité des « arrières-mondes », du caché  devient ici le principe du visible ….DeLILLO insuffle dans son récit le spectre obsédant du complot…

Un demi siècle d’histoire américaine , de la menace nucléaire dans le contexte de la guerre froide des années 50 jusqu’au démantèlement de l’URSS, cinquante années d’une histoire complexe où la toile de fond (la macro structure) imprime sa marque dans le quotidien des destins individuels, irriguant de manière souterraine tous les moments de la vie intime et officielle des personnages.

Le roman s’organise de manière non linéaire autour d’un certains nombres d’évènements et de personnages, agençant des blocs spatio-temporels au sein d’ un tableau qui prend peu à peu forme. La cohérence étant ici un véritable work in progress; le style de DeLILLO ne  donnant sans cesse la clé des causalités et des ressorts dramatiques qu’au bout du processus narratif.

Nous suivons ainsi les personnages centraux du roman; fils conducteurs du récit, pièces d’un puzzle géant  dont l’auteur ne dévoile les raisons ultimes qu’à la fin du roman:  Nick d’une famille italiennne du Bronx condamné dès son adolescence pour un meurtre et qui finalement fera carrière dans le traitement des déchets (leitmotiv obsédant du livre), son frère Matt immature mais doué d’une intelligence hors du commun sera  ingénieur dans l’armement nucléaire, Klara l’artiste  qui transformera le paysage militaire en oeuvre d’art du désert, Mariam la femme de Nick, la soeur Edgar, Bronzinni le petit prof du Bronx, …autant de personnages de la petite histoire pris dans les contradictions et aspirations de l’époque (entre peur et boom consumériste des sixties), sans oublier ceux de l’histoire officielle, Frank Sinatra, E.J.Hoover, Lenny Bruce..les Rolling Stones… et ….topique centrale du livre …le fameux match de baseball de 1951 où les Giants battent de manière miraculeuse et totalement inattendue les Dodgers de Brooklyn…et la recherche sur plus d’un demi-siècle de la  balle mythique du « home run » de Bobby Thompson, jamais retrouvée et dont l’auteur imagine le destin dans un chapitre d’ouverture saisissant.

Dans ce roman foisonnant aux ramifications multiples, le lecteur est pris dans un labyrinthe d’histoires et d’époques. On passe des années 50 aux années 90 , le livre est à l’image de ce film  de Robert Frank COCKSUCKER BLUES et de son montage chaotique ou de ce film mythique d’Eisenstein UNTERWELT, le roman comme choc des fragments temporels et combinatoire aléatoire des éléments reliés entre eux par des linéaments mystérieux…..où l’on suivra  néanmoins toujours ce petit fil ténu improbable… la quête de la balle de baseball de 1951, véritable graal américain.

UNDERWORLD est le grand roman postmoderne de l’Amérique de la fin du XXème siècle, paranoïaque, obsessionnelle sur sa sécurité.  Les réseaux de sens tissent une toile abstraite sans autre unité que celle du chaos…..il requiert de la part du lecteur une attention soutenue et reste rebelle à toute approche unilatérale réductrice car  le dédale de ses  interprétations donne le vertige…..

Détail troublant….la couverture du livre « Underworld », paru en 1997, est de manière rétrospective curieusement prémonitoire……..pour un ouvrage dont le dernier mot est …..peace.

Catégories :littérature

ST. LOUIS (MISSOURI) NIGHT TRAIN de Nick TOSCHES

Direction « the deep south », Arkansas, pays du blues et des champs de coton…..et de l’esclavagisme. NIGHT TRAIN , une époustouflante biographie de l’un des « bad » boy de l’Amérique : Sonny Liston. De Nick TOSCHES, j’avais lu il y a quelques années l’impressionnante bio de Dean Martin, DINO, pour ce voyage littéraire à travers l’Amérique profonde  je retourne vers cet auteur dont j’avais laissé en réserve ce NIGHT TRAIN. Le titre original :  THE DEVIL AND SONNY LISTON gagne en mystère et en poésie dans la traduction de  RIVAGES NOIR.  NIGHT TRAIN est un rythm’n blues instrumental de Jimmy Forrest de 1951. C’était le morceau préféré de Sonny Liston qu’il écoutait en boucle lors de ses entrainements précise la légende, et dans lequel il puisait cette rage de vaincre qui le portera au sommet du monde de la boxe. Je souligne et recommande par ailleurs l’excellente version enfiévrée et funky de  James Brown.

Aux USA l’univers du noble art ne se conçoit pas sans la mainmise et les manoeuvres souterraines de la mafia.TOSCHES, par une accumulation extrêmement documentée de faits, de dates et de noms, nous  livre un aperçu pour le moins pittoresque (mais néanmoins très inquiétant ) du grand banditisme américain. On voit ainsi défiler, bookmakers, managers, chef de bande, et portes-flingues psychopathes dans un monde où la richesse se fait toujours sur le dos de quelqu’un et ce par des moyens les moins recommandables (combats truqués, extorsion de fonds, violences et intimidation).
Sonny Liston, l’esclave né, est celui qui toute sa vie va travailler pour moitié……un puncheur d’exception, ayant la puissance de frappe d’un monstre et dont l’ascension se fait au bout des gants, reste dans le fond de son âme ce petit fils d’esclave de l’Arkansas, toujours soumis à la volonté de tiers.

Des plantations de l’Arkansas jusqu’au firmament de la gloire sportive , le parcours de Liston comporte une part d’ombre qui le fera côtoyer toute sa vie durant les pires criminels américains, auxquels il donnera beaucoup et qui en retour l’aideront dans des moments particulièrement délicats. Car c’est certain LISTON est loin d’être un ange, on ne compte plus le nombre d’arrestations pour divers délits, dont les plus graves seront agression sexuelle et extorsion violente. Loin de s’en défendre, LISTON qui jouera un moment avec les médias pour montrer un autre visage , finira par assumer pleinement sa réputation de « bad boy ». TOSCHES, dans cette enquête inlassable auprès des différents personnages ayant approché LISTON, dresse le tableau d’une Amérique gangrénée par ses démons : violence, racisme, argent, criminalité; là l’est pas le moindre intérêt du livre qui,  à l’instar du travail autour de Dean Martin, contextualise l’approche de son sujet en l’inscrivant dans l’histoire profonde de la psyché américaine. LISTON est enfermé dans un parcours délétère où il restera l’esclave de l’homme blanc, celui que l’on fait monter sur le ring pour exhiber sa puissance et spolier la richesse qu’il génère. En ce sens, ce boxeur hors-norme, connait-il un destin dont les ressorts lui restent pour l’essentiel inconnus….comme si des mains de l’ombre guidait ses faits et gestes avec sa propre complicité passive.
Il me semble que cette volonté de contextualisation s’exprime de manière encore plus profonde et convaincante chez TOSCHES, inscrivant la destinée de l’homme noir dans l’histoire violente de l’Amérique.

Catégories :littérature

LINCOLN (NEBRASKA) OUTSIDE VALENTINE de Liza WARD

Fin 1957 – juin 1958   Charles STARKWEATHER (19 ans)  et Caril Ann FUGATE (14 ans) , deux adolescents de Lincoln (Nebraska) embarquent pour une équipée  sauvage et meurtrière qui fera 11 morts. Le couple est arrêté  près de Douglas dans le WYOMING, STARKWEATHER est condammé à la peine capitale et exécuté (the chair) en 1959, Caril  ne sera libérée qu’en 1976.

Les amants maudits  entrent  dans la légende des serial killers américains.

Ce trauma de l’histoire contemporaine de l’Amérique a fait l’objet d’au moins deux films marquants, le premier qui reste dans toutes  les mémoires ne serait-ce que par son air de musique : BADLANDS de Terence Malick avec Martin Sheen et Cissy Spassek (1973) , le second, plus violent mais moins fidèle aux évènements réels : NATURAL BORN KILLERS (1994)  d’Oliver STONE.

Je n’oublie pas  bien entendu  la très belle  chanson de Bruce Springsteeen : NEBRASKA.

« From the town of lincoln nebraska with a sawed-off .410 on my lap
Through to the badlands of wyoming I killed everything in my path »

Liza WARD, l’auteur de OUTSIDE VALENTINE,  est la petite fille d’une des victimes des tueries de 58. Le projet romanesque a toute les allures d’une véritable catharsis. Il ne  s’agit rien de moins ici que de revisiter et réécrire l »évènement le plus déterminant  de sa propre histoire. La littérature a le pouvoir d’approcher l’indicible en entrant dans la subjectivité vécue des personnages, en soulignant leurs frustrations, leurs visions, l’appréhension du quotidien diffractée par la violence des chocs émotionnels passés.

D’où cette construction formelle originale où le récit entrelace une  narration à  trois voix et trois époques différentes

1957. L’histoire de Caril Ann Fugate, jeune adolescente de 14 ans en manque d’amour, pleine de rêves innocents et pourtant rejetée par sa propre famille,   va croiser le chemin de Charlie,un garçon de 19 ans, violent, perturbé au comportement incohérent. Une passion fusionnelle s’installe entre Caril et Charlie qui les conduira au bout d’une fuite en avant meurtrière. Caril, est à la fois spectatrice et actrice d’un cauchemar  qu’elle ne peut ni ne veut arrêter. Un chapitre tout à fait saisissant de l’ouvrage met en scène un meurtre au ralenti,  implacable déroulement d’un processus qui échappe à tout contrôle.

1962. Susan, jeune fille, très affectée par les tueries de 1958 , abandonnée par une mère fantasque et frustrée, ressent une attirance trouble  pour Lowel , le fils d’une famille décimée par les tueurs. Fascinée par Lowel , Susan est enchainée par un inexorable mouvement qui la conduira à prendre la toute première place dans la vie de Lowel.

1991. Lowel antiquaire , marié à Susan, voit resurgir les fantômes du passé, il s’éloigne de sa femme et remonte vers le secret de sa propre histoire.

Le récit scrute l’intimité des différents protagonistes sur trois générations, il tente de cerner au plus près l’histoire émotionnelle des personnages,   les mécanismes ayant conduit  à ce déclenchement de violence ainsi que les conséquences dévastatrices dans l’âme des survivants. Présent et passé alternent dans une mise en perspective des  retombées  psychologiques que ces évènements  occasionneront dans le quotidien de ceux qui jamais ne pourront oublier.

Catégories :littérature

VANCOUVER (British Colombia) – Génération X – Douglas COUPLAND

Destination lointaine, Vancouver sur les bords du Pacifique.  Un simple coup d’oeil sur  carte du Monde me signifie immédiatement l’éloignement extrême pour débuter ce grand voyage littéraire ….ce que je cherchais.

C’est en écoutant l »émission de France Culture « Ville Monde » consacrée à Vancouver que je découvre Douglas Coupland, écrivain résident né sur une base militaire canadienne en Allemagne dans les années soixante. Dans le grand entretien qui suit l’émission, celui-ci parle d’une ville sans passé, en invention et transformation permanentes,  sans le poids terrible de l’ histoire propre à toutes les villes d’Europe. Vancouver, ville du bout du Monde , résolument tournée vers l’Asie, qui n’a pas un siècle, sans natifs si l’on excepte les indiens et dont le programme assumé est l’invention permanente de soi-même. La ville est un terrain de prédilection pour les projets  architecturaux les plus audacieux (Coupland lui-même est architecte) , la vie artistique quant à elle mélange les genres dans une profusion d’expériences novatrices.

Dans mon voyage fantasmé, je suis assis sur un banc le long  de Stanley Park Drive, face à moi le  skyline époustouflant de la ville du vent, je commence la lecture du  livre culte de Coupland   « Génération X- Tales for an accelarated culture », paru sous forme d’épisodes dans le Vancouver Review autour des années 90.

Palm Springs. Californie.

Trois trentenaires « postmodernes » , Andy, Dag et Claire vivent de petits boulots (McJobs), habitent en mobile home et cultivent une amitié dont le pacte est fondé sur la narration réciproque d’histoires qu’ils se « racontent » chacun à leur tour.  Au fil de ces narrations abracadabrantes on comprend que l’enjeu est la redécouverte d’une innocence de l’enfance, un monde révolu où les possibles pouvaient encore donner du sens au futur.  Mais tout cela a définitivement disparu dans la surconsommation, l’ennui et la vacuité des évènements, l’ineptie des images et des slogans. L’enjeu est donc la déprise,  la conquête d’une page blanche mentale et émotionnelle.

 La génération X est le fruit d’une tension entre deux tendances historiques contradictoires, elle se situe après celle la génération des baby-boomers des sixties ayant connu la prospérité économique et l’euphorie de la consommation de masse . Une contradiction d’ordre économique et sociale apparait car n’ayant pas les moyens du bien-être des ainés , elle vit néanmoins dans l’inflation des signes de la surconsommation permanente….. n’ayant plus les ressources des ainés mais héritière d’un monde d’opulence , les conduites individuelles s’expriment par un cynisme , une approche « psychédélique » du monde avec un  désir récurrent d’évasion, de fuite et de réécriture de soi.

S’affranchir des objets, mettre à distance tous les faux semblants d’une réussite matérielle souvent inaccessible, tels semblent être les motivations des trois jeunes gens.

L’originalité du roman, que l’on lit avec beaucoup de plaisir, réside à la fois dans son écriture et sa forme. Nous suivons les méandres délirants des récits des protagonistes, toujours empreints d’une certaine tendresse voire d’une nostalgie du paradis perdu (l’enfance c’était mieux).  La narration nous emporte avec brio dans des commentaires et des descriptions d’une fulgurance imagée issus de la sous culture psychédélique américaine, images drôles que l’on retrouve dans certains passages des ouvrages de Thomas Pynchon  . Les marges du texte (certaines illustrées à la manière de Roy Lichtenstein) reprennent en surplomb les concepts sociologiques façonnés par l’auteur, concepts d’une grande justesse et d’une actualité évidente  dont je ne résiste pas au plaisir d’en citer quelques uns..

Tout-émigration

Emigration vers des environnements basse-techo, à information minimale, caractérisés par une baisse sensible de l’obsession consommatrice.

Obscurcisme

Pratique consistant à saupoudrer la vie quotidienne de références obscures (films oubliés, vedettes de télévision disparues, livres élitistes, pays rayés de la carte, etc) façon subliminale d’étaler sa culture en opposition à la culture de masse.

Option paralysie

Tendance, face à une infinité de choix, à n’en faire aucun.

Auto-intox antiprésent

Se persuader que le passé est la seule époque digne d’être vécue et que la seule époque susceptible de redevenir intéressante est le futur.

Ethnomagéntisme

tendance des jeunes à habiter dans les quartiers d’immigrés , plus débridés et émotionnellement chauds.

Certains ont voulu voir dans GENERATION X un nouvel anti-manuel de savoir-vivre, au même titre que LESS THAN ZERO  de Bret Easton Ellis ou l’ATTRAPE-COEUR de Salinger. Loin de constituer un viatique à l’usage des jeunes générations,il semble plutôt que le cheminement sur le Holzwege du consumérisme américain et de la sous-culture de masse provoque chez les individus une angoisse existentielle telle qu’elle peut les amèner aux frontières du nihilisme voire du néant.

                                                                             

Catégories :littérature

Hello world!

Welcome to WordPress.com. After you read this, you should delete and write your own post, with a new title above. Or hit Add New on the left (of the admin dashboard) to start a fresh post.

Here are some suggestions for your first post.

  1. You can find new ideas for what to blog about by reading the Daily Post.
  2. Add PressThis to your browser. It creates a new blog post for you about any interesting  page you read on the web.
  3. Make some changes to this page, and then hit preview on the right. You can always preview any post or edit it before you share it to the world.
Catégories :Uncategorized