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Archive for avril 2012

LE GRAND PARTOUT – William T VOLLMANN (2008)

« Il y a deux choses qui poussent un homme à bord d’un train….une femme ou une guerre »

Chroniques du voyage illégal et clandestin…chroniques d’activités criminellement  américaines…..l’épopée ferroviaire vue par William T.VOLLMANN

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LIEU COMMUN- Bruce Bégout

Une semaine d’entre deux tours, une halte dans mon périple américain.

Publié dans l’excellente collection des Editions  « Allia »,  je découvre ce petit traité des espaces du bord de la route dont je recommande vivement la lecture;  le livre de Bruce Bégout : « Lieu Commun ». Cet ouvrage d’une intelligence aigüe  se propose d’analyser la figure du motel dans l’espace américain. Cette analyse phénoménologique, pointilliste, convoque les différents champs des sciences humaines et des arts pour appréhender l’essence du quotidien dans sa manifestation la plus triviale, l’expérience intime dans ce lieu commun du passage qu’est le motel. Un lieu qui  conditionne  les habitus d’une population en mouvance (toute personne en transit dans les grands espaces véhiculaires américains) dans une dialectique permanente de la pause et du mouvement, du dedans et du dehors, de la sécurité et de l’ insécurité, de la reconnaissance et de l’anonymat.

La trivialité du  motel devient par ailleurs l’un des éléments constitutifs de l’imaginaire américain, exprimant  l’angoisse diffuse  de l’errant contemporain (pages lumineuses sur Hopper, Register, Sheppard, Wenders et bien entendu Hitchcock).

L’appréhension du quotidien, cette notion floue et insaisissable de quelque chose qui sans cesse échappe, est révélée dans l’expérience particulière  procurée par ce lieu de l’aventure éphémère.

Voilà quelques lignes pour évoquer cette lecture roborative qui contient de nombreuses surprises tout à fait stimulantes.

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CHARLOTTE (North Carolina) – UNE POIRE POUR LA SOIF – James Ross (1940)

Unique oeuvre publiée de James ROSS, « They Don’t Dance Much »entre dans la catégorie des romans noirs de la Grande Dépression des années 30. Cette « dime novel » n’eût à sa sortie dans les années 40 aucun succès,  le livre ayant même été qualifié par certains critiques de « littérature ignoble et sale« , il tombera assez rapidement dans l’oubli jusqu’aux dernières rééditions qui vont lui donner cette aura d’oeuvre culte maudite…un diamant noir d’une brutalité rare.

Nous sommes dans une petite ville rurale de Caroline du Nord, Corinth en pleine Amérique de la Dépression. Un monde de petites gens, ouvriers, journaliers, fermiers,  qui vivent chichement et qui pour la plupart sont  endettés par différents prêts, la gageure étant de  tenter par tous les moyens de conserver ses biens face aux banques. C’est dans ce contexte que Smut Milligan aventurier sans scrupule et séducteur (sa perte)  va, grâce à différents emprunts,  construire un roadhouse aux limites de la ville.

Le roadhouse est un établissement de la licence dans cette Amérique rurale conservatrice, situé au bord de la route il est à la fois bar, restaurant, dancing et motel pour couples éphémères autant qu’illicites. Le roadhouse joue comme une soupape de décompression dans un contexte rural où la pression du puritanisme est toujours très lourde.

A l’aide de quelques acolytes, Smut organise la vente d’alcool (clandestine), les jeux prohibés où de pauvres hères vont perdre leurs dernières économies, la location des « cabines » à la demi-heure ou plus. L’entreprise devient rapidement florissante, les dollars pleuvent et les foules affluent. Mais, dans ce monde où ne comptent que l’appât du gain immédiat et ses chimères, la prédation et la traitrise , Smut joueur invétéré va perdre une somme d’argent importante. Cette situation va le mettre dans une position délicate par rapport à la banque.

A l’aide d’un complice, le narrateur de l’histoire, et pour récupérer une forte somme d’argent, Smut va commettre un crime d’une sauvagerie inédite.

Le roman frappe le lecteur par sa violence cynique, ici aucune morale pour juger les comportements de tout un chacun. Dans cet univers de la relégation sociale et des moeurs « particulières » le maître mot serait celui de traitrise. Le tableau que décrit James Ross est l’image inversée de la pastorale américaine. Loin des vertus ancestrales du travail de la terre, de l’élévation morale par l’effort et de sa rétribution justement méritée, nous sommes ici dans un monde de la prédation où ne compte que le profit immédiat et ce par tous les moyens. Goût du lucre, tromperie, vol, assassinat pour finir, sont les ressorts qui guident le comportement d’hommes frustes et  sans scrupules. Il y a chez Ross une évidente volonté de montrer l’envers du décor, de déconstruire l’imagerie de type « hollywoodienne », j’y verrai pour ma part l’un des ancêtres de Cormac Mac Carthy.

Roman de la désillusion sur le système économique et les comportements qu’il engendre , « They Don’t Dance Much » fait figure d’exception dans le paysage littéraire américain. On a pu faire certains parallèles avec l’oeuvre de James M Cain ( Mildred Pierce,  le facteur sonne toujours deux fois ) ou d’Horace Mac Coy, mais il y a chez Ross un abandon de toute velléité morale, dans son livre l’innocent est condamné (de manière tout à fait crapuleuse) et le crime profite au véritable « salaud »……on comprend qu’Hollywood ne pouvait envisager une adaptation cinématographique . Dans ce contexte lorsque le héros reprend la route à la fin du récit ce n’est pas du tout vers un monde meilleur comme pouvait le faire Chaplin à la fin de Modern Times, bien plutôt vers les bas-fonds de Chicago pour tenter d’y survivre…..

Une mention spéciale pour la traduction et la très belle préface de Philippe Garnier, grand connaisseur de la littérature et du cinéma américain. Le titre français : « Une poire pour la soif » laisse perplexe, j’avoue ne pas en saisir toutes les subtilités si ce ne sont celles du second degré….car de poire pour la soif ….il n’y aura point …..

La très belle illustration de la couverture « signet book » que je reproduits ici me paraît quant à elle rendre compte d’une partie de l’ essence du drame dont je n’ai fait qu’esquisser certains aspects et dont je laisse au lecteur le plaisir de découvrir à la fois la saveur de la langue et la cruauté des motifs.

Achab et Naboth en Caroline du Nord

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TUPELO (MISSISSIPPI) – DEAD ELVIS Chronique d’une obsession culturelle – Greil MARCUS

Greil Marcus est avec Nick Tosches l’un des  écrivains ayant analysé avec le plus d’acuité les principales mythologies de la culture américaine de masse.

L’approche d’une figure légendaire comme celle d’Elvis PRESLEY, mythe protéiforme s’il en est, nécessite l’inventaire et la mise en perspective des différents discours existant sur la star. Soulignons d’entrée que cet objet fuyant, insaisissable est à jamais inaccessible et c’est précisément cette glose éperdue qui va le constituer en tant que sujet. Elvis est la somme de toutes les approches possibles…..or cette somme est pour toujours inatteignable.

« On en a terminé avec Elvis Presley » (..) une phrase qu’aucune personne sérieuse n’a encore réussi à écrire sans s’esclaffer »….comme le précise l’auteur.

« DEAD ELVIS » le titre est à la fois le programme et la quête. Parler du mort pour tenter de comprendre le mythe vivant.

On l’aura compris ce livre très original n’est pas un roman, mais une collection d’articles et papiers divers avec une iconographie particulière sur le King. Marcus par la multiplicité des points de vue analysés  nous livre un portrait mosaïque d’Elvis, cet homme objet des fantasmes les plus fous et qui va devenir un précipité de toutes les contradictions , obsessions, de l’Amérique.

Car une fois le King trépassé et overdosé dans sa demeure sarcophage de Graceland,  on entre dans l’ère des commentaires sans fin, des analyses les plus savantes, des anecdotes et ragots les plus sordides, inépuisables fragments qui tentent d’établir quelques vérités parcellaires sur l’un des grands mystères de l’Amérique du XXème siècle. A partir de là le sous-titre du livre de Greil Marcus prend tout son sens : le mythe devient une obsession culturelle.

Des chapitres très intéressants cernent chacun à leur manière un aspect de la mythologie. Cet exercice convient parfaitement à Greil Marcus qui aime travailler le « sous-texte » du mythe, une approche marxiste et sociologique permet par exemple de comprendre comment Elvis à façonné et fabriqué, en pleine expansion économique d’après-guerre, les désirs de toute une génération….en lui indiquant le chemin des possibles dans l’Amérique puritaine, et en devenant l’un des moteurs de la société consumériste. Si la musique d’Elvis ne peut s’appréhender que dans le contexte de la ségrégation raciale et culturelle des années 40 et 50, elle témoigne de la complexité des rapports entre les communautés; ou comment appréhender ce blanc qui va chanter comme un noir en empruntant toute une tradition issue du gospel. D’autres approches plus psychologiques vont souligner la question de la filiation, Elvis est le deuxième enfant juste après le décès du premier fils d’une famille très pauvre (le fameux « the firstborn is dead » de Nick Cave, on retrouvera ce trauma chez d’autres compositeurs d’exception comme Ray Charles et Johnny Cash), ou bien celle-ci encore  très originale mettant en regard les photographies de Graceland prises par Eggleston et les taudis du sud pris lors de la dépression par Walker Evans, pour montrer ce qu’aurait dû être le destin d’Elvis si……

Car Elvis n’a jamais été rien d’autre qu’un vrai pauvre devenu immensément riche, d’où son rapport particulier à la dépense somptuaire non exempte d’un certain mauvais goût.

Reste le chanteur d’exception, cette voix qui va transformer l’Amérique et le Monde, cet authentique génie qui va « créer » et interpréter quelques unes des chansons les plus marquantes, les plus troublantes du siècle; je n’oublie pas quelques shows d’anthologie comme le fameux  show télévisé Memphis 68 où Elvis nous livre l’un des plus fabuleux  concert de rock’n’roll et rythm and blues jamais entendus……moment qui restera à jamais dans les mémoires au même titre que les Stones à Altamont ou Hendrix à Woodstock en 69 tous les deux, mais pour d’autres raisons ceux-là.

Nous oublierons les derniers shows….. »dying on stage ».
J’ai pris un réel plaisir à lire ce livre qui m’a permis par ailleurs de réinvestir les recoins cachés de la discographie du King, avec la découverte de cette chanson extraordinaire…. Long Black Limousine……Elvis y chante et met en scène sa propre mort……une chanson d’une beauté obsédante.

Cet homme venu de nulle part et qui n’était rien deviendra tout.

Ce « Nulle Part », Tupelo, Mississippi est devenu, comme chacun le reconnaît maintenant …le centre de l’Univers.

 

 

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