Accueil > littérature > BRONX (NEW-YORK) – UNDERWORLD – Don DeLILLO

BRONX (NEW-YORK) – UNDERWORLD – Don DeLILLO

Saviez-vous que la taille du noyau de fusion nucléaire est la même que celle d’une balle de baseball ? Entre les deux extrémités de cet arc de ciel de l’imaginaire américain se déploie UNDERWORLD .

Rendre compte d’un texte d’une telle densité est une véritable gageure…n’ont moins importante que la lecture de ce texte fleuve qui vise à une totalité ouverte, cherchant dans les moindres détails triviaux du quotidien l’expression du malaise ou de la perte de sens de l’ensemble. L’opacité des « arrières-mondes », du caché  devient ici le principe du visible ….DeLILLO insuffle dans son récit le spectre obsédant du complot…

Un demi siècle d’histoire américaine , de la menace nucléaire dans le contexte de la guerre froide des années 50 jusqu’au démantèlement de l’URSS, cinquante années d’une histoire complexe où la toile de fond (la macro structure) imprime sa marque dans le quotidien des destins individuels, irriguant de manière souterraine tous les moments de la vie intime et officielle des personnages.

Le roman s’organise de manière non linéaire autour d’un certains nombres d’évènements et de personnages, agençant des blocs spatio-temporels au sein d’ un tableau qui prend peu à peu forme. La cohérence étant ici un véritable work in progress; le style de DeLILLO ne  donnant sans cesse la clé des causalités et des ressorts dramatiques qu’au bout du processus narratif.

Nous suivons ainsi les personnages centraux du roman; fils conducteurs du récit, pièces d’un puzzle géant  dont l’auteur ne dévoile les raisons ultimes qu’à la fin du roman:  Nick d’une famille italiennne du Bronx condamné dès son adolescence pour un meurtre et qui finalement fera carrière dans le traitement des déchets (leitmotiv obsédant du livre), son frère Matt immature mais doué d’une intelligence hors du commun sera  ingénieur dans l’armement nucléaire, Klara l’artiste  qui transformera le paysage militaire en oeuvre d’art du désert, Mariam la femme de Nick, la soeur Edgar, Bronzinni le petit prof du Bronx, …autant de personnages de la petite histoire pris dans les contradictions et aspirations de l’époque (entre peur et boom consumériste des sixties), sans oublier ceux de l’histoire officielle, Frank Sinatra, E.J.Hoover, Lenny Bruce..les Rolling Stones… et ….topique centrale du livre …le fameux match de baseball de 1951 où les Giants battent de manière miraculeuse et totalement inattendue les Dodgers de Brooklyn…et la recherche sur plus d’un demi-siècle de la  balle mythique du « home run » de Bobby Thompson, jamais retrouvée et dont l’auteur imagine le destin dans un chapitre d’ouverture saisissant.

Dans ce roman foisonnant aux ramifications multiples, le lecteur est pris dans un labyrinthe d’histoires et d’époques. On passe des années 50 aux années 90 , le livre est à l’image de ce film  de Robert Frank COCKSUCKER BLUES et de son montage chaotique ou de ce film mythique d’Eisenstein UNTERWELT, le roman comme choc des fragments temporels et combinatoire aléatoire des éléments reliés entre eux par des linéaments mystérieux…..où l’on suivra  néanmoins toujours ce petit fil ténu improbable… la quête de la balle de baseball de 1951, véritable graal américain.

UNDERWORLD est le grand roman postmoderne de l’Amérique de la fin du XXème siècle, paranoïaque, obsessionnelle sur sa sécurité.  Les réseaux de sens tissent une toile abstraite sans autre unité que celle du chaos…..il requiert de la part du lecteur une attention soutenue et reste rebelle à toute approche unilatérale réductrice car  le dédale de ses  interprétations donne le vertige…..

Détail troublant….la couverture du livre « Underworld », paru en 1997, est de manière rétrospective curieusement prémonitoire……..pour un ouvrage dont le dernier mot est …..peace.

Catégories :littérature
  1. Aucun commentaire pour l’instant.
  1. No trackbacks yet.

Laisser un commentaire